MOVING_IMAGE interprète la neuvième lettre de l'abécédaire.
Un abécédaire d'œuvres vidéos, filmiques et multimédias...
Chaque mois, Moving_image propose un éclairage critique et prospectif sur ce domaine aux frontières mouvantes, où convergent à la fois un questionnement esthétique, social et politique de notre époque, et des enjeux liés à l’évolution des modes de production et de diffusion. Transversales et ouvertes, les séances se déroulent en présence d'artistes invités qui parlent de leur travail et de leurs recherches, ainsi que d'intervenants chroniqueurs qui apportent un regard singulier ou décalé sur la séance.
La forme de chaque séance est elle-même questionnée, redéfinie avec les artistes présentés, afin d'explorer d’autres possibilités de relations avec le public présent ou en ligne, la possibilité d’autres modes de réception et d’expérience collective des œuvres.
Un cycle proposé par Nathalie Hénon et Jean-François Rettig.
Au programme
Jason Karaïndros : Persée et Méduse (vidéo, couleur, extrait 2 min., Grèce/France, 1994)
"Ici il s’agit d’un combat contre soi-même d’une part, et d’autre part d’un combat contre le pouvoir de l’image. Un combat sans ruse, en état d’éveil et avec comme seule arme un doigt derrière lequel nous ne pouvons pas nous cacher. Les deux protagonistes, la caméra et moi-même, luttent ; elle pour me “capter”, pour m’immobiliser et me plonger dans l’inactivité et l’apathie, et moi pour déjouer cette captation et pour échapper à son effet pétrifiant afin de pouvoir continuer à voir, m’émouvoir et faire. C’est ma première vidéo et il s’agit aussi d’un questionnement face à ce médium." (Jason Karaïndros)
Harun Farocki : Une image (documentaire exp., couleur, 25 min., Allemagne, 1983)
"Quatre jours passés dans un studio à travailler sur une photo pour le magazine Playboy. Le magazine lui-même traite de culture, de voitures, d’un certain mode de vie. Peut-être que tous ces signes extérieurs ne sont là que pour cacher la femme nue. Peut-être que c’est comme avec une poupée de papier. La femme nue au milieu est un soleil autour duquel tourne un système : de la culture, des affaires, de la vie ! On imagine très bien que les gens qui créent de telles images s’acquittent de leur tâche avec autant de soin, de sérieux et de sens de la responsabilité que s’ils étaient en train de fractionner de l’uranium" (Harun Farocki).
Karel de Cock : Accepting the Image (fiction exp. , couleur, 18 min., Belgique/USA, 2010)
"Accepting the Image" questionne la représentation d’un mode de vie idéal délivré par les média et sa contradiction avec la réalité, à travers le portrait de trois jeunes femmes installées depuis peu à New York. Elles racontent ce que cette ville signifie pour elles, ce qu’elle suscite de rêves et d’attentes. Leurs motivations apparaissent se fondre avec l’image de la ville véhiculée par leurs films et séries préférés. L’une d’entre elle tente d’être à la hauteur de la fiction, alors qu’une autre a été confrontée à une réalité toute différente. La caméra observe les passants dans la rue. Le récit des trois jeunes femmes se transforme en un commentaire direct des images, offrant une perspective critique sur les icones et les stéréotypes véhiculés par les média.
Nate Harrison : Stock Exchange (documentaire exp. , couleur, 12 min 30 s., USA, 2006)
"Stock Exchange" prend la forme d'une "lettre" vidéo adressée au ‘Footage Aquisitions Department’ de ‘Artbeats Software Inc’. Cette compagnie américaine propose à l’achat des séquences vidéo et des images destinées à des publicités, des clips ou des films d’entreprise. Dans sa lettre, Nate Harrison développe une théorie selon laquelle ils pourraient accepter (ou non) des images prises par des artistes. Suite à un premier refus de l’entreprise, l’artiste demande à Artbeats de définir leurs critères de sélection. La réponse, dans laquelle un représentant de la compagnie dresse une liste de "conseils de prises de vue et directives", est juxtaposée avec des extraits vidéo et images du catalogue d’Artbeats. L’œuvre interroge la construction et la transformation d'un sens visuel dans l'économie très fluide de l'image.
Chris Marker : Stopover in Dubai (documentaire exp. , couleur, 20 min., France/E.A.U., 2012)
Un geste minimaliste de juxtaposition et de réappropriation : une vidéo du ‘Dubai State Security Service’, constituée d’archives de vidéosurveillance montrant les assassins sur le point de tuer Mahmoud al-Mabhouh dans sa chambre d’hôtel. Chris Marker a changé la bande-son, ajoutant les trois premiers mouvements du Quatuor à corde n°3 de Henrik Górecki. La juxtaposition révèle la similarité des deux structures, entre image et son, leur connexion secrète. Le sombre adagio lorsque l’équipe se rassemble, flânant à l’intérieur et à l’extérieur des centres commerciaux ; l’obscurité profonde du second mouvement alors que le cercle se referme peu à peu, et que l’homme condamné se rend dans sa chambre d’hôtel sous les yeux attentifs du groupe de surveillance ; et l’escalade frénétique de l’allegro lorsque le travail est fait et que les tueurs se dispersent. (D’après l’article de Finn Brunton, "Future anterior")
Lina Selander : Anteroom of the Real (documentaire exp. , couleur, 14 min., Suède, 2011)
Le film débute dans la ville déserte de Pripyat, située dans la zone de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Des mains parcourent lentement une pile de photographies : images d’un modèle du réacteur 4, les immeubles de Pripyat, des livres dans des bureaux déserts, des pièces vides, des intérieurs dévastés, des images d’un écran de télévision diffusant un documentaire sur Tchernobyl, etc. Alors que la chronologie des images fixes et des images en mouvement se superpose, le film soulève des questions autour de ce qu’est et peut être une salle de montage, de la narration, du temps et des images.