Machines à gouverner

L'Élection Parfaite

Machines à gouverner

Suite au désastre de la deuxième guerre mondiale, des hommes se sont mis à rêver de systèmes informatiques capables de réguler et d'administrer harmonieusement les sociétés. Des expériences du Cybersin au Chili, au projet politique de la Silicon Valley, la soirée se propose de relire l'histoire de la cybernétique à l'aune de notre époque, marquée par de profonds bouleversements technologiques.

Programme de la journée

19h - Conférence de Mathieu Triclot : 
Y a-t-il une politique cybernétique ? 

Ces dernières années, dans le sillage du collectif Tiqqun, la référence à la cybernétique a resurgi comme instrument pour définir la forme contemporaine du politique. Cette "hypothèse cybernétique" constitue cependant l'un des derniers avatars d'une longue série de politiques cybernéticiennes : celle de Wiener, s'opposant à Von Neumann, dans l'après-guerre, celle des sciences de gestions technocratiques à la française, la cybernétique soviétique étudiée par Gerovitch, ou encore l'expérience de cybernétisation du Chili par Stafford Beer, le féminisme cyborg d'Haraway, etc. 

Cette communication se propose de revenir à la première cybernétique et aux débats politiques qui la traversent. L'intention n'est pas simplement historique : le moment contemporain partage avec la cybernétique un contexte de rupture technologique, autour des questions de l'Intelligence Artificielle, désormais nourrie aux Big Data. Il s'agit de convoquer le fantôme de Wiener et de confronter la critique politique des techniques qu'il avait élaborée au moment dans lequel nous vivons. Qu'est-ce cette première politique cybernétique peut encore nous apprendre aujourd'hui ? Mais aussi par quels processus est-elle dépassée ? 

Mathieu Triclot est maître de conférences en philosophie des techniques à l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard. Ses recherches portent sur la cybernétique, l’histoire de l’informatique et la notion d’information. Il est l'auteur du Moment Cybernétique (Champ Vallon) et d'une Philosophie des jeux vidéos (Zones)

19h30 - Entretien avec Philippe Vion-Dury :
Le projet politique de la Silicon Valley

Les entreprises high tech californiennes veulent dessiner un monde meilleur en prenant en charge des aspects toujours plus importants de notre quotidien. Au risque que nous déléguions progressivement notre libre-arbitre aux algorithmes ?

Philippe Vion-Dury est journaliste indépendant, il écrit sur les nouvelles technologies et les questions de société et est l’auteur de La nouvelle servitude volontaire, enquête sur le projet politique de la Silicon Valley (FYP Editions)

20h30 - Projection et rencontre avec Regina de Miguel


Una historia nunca contada desde abajo
(Réal : Regina de Miguel - 2016 - Espagne - 69' - VOSTF)
(Avec le soutien de Gamerz Lab Aix-en-Provence)

Modération : Ewen Chardronnet, auteur, journaliste et commissaire d’exposition.
La rencontre se fera en anglais.

Le 30 décembre 1972, le président Chilien Salvador Allende visita un centre d'opération futuriste qui ressemblait davantage à un décor d'un film de Kubrick qu'à une salle de commande pour un gouvernement sud-américain en pleine guerre économique. L'image frappante est ce qui reste d'une expérimentation radicale et méconnue de l'histoire des technologies de communication : Project Cybersin ou Proyecto Synco, un système basé sur un réseau de Télex relié à un ordinateur central qui devait permettre de réguler « en temps réel » les entreprises chiliennes fraîchement nationalisées. Cette révolution politique et technologique fut menée au Chili par le cybernéticien britannique visionnaire Stafford Beer entre 1971 et 1973 durant le gouvernement socialiste d'Allende, mais interrompue brutalement par le coup d’état militaire de Pinochet.

À partir de l'histoire de cette « machine de liberté » qui proposait de « fournir les outils de la science au peuple » mais qui n'a jamais pu être complètement réalisée, l'artiste Regina de Miguel propose un essai audiovisuel en plusieurs actes, entre documentaire historique, fiction scientifique-politique et portrait psychologique, à une époque où scientifiques et politiques adoptaient la technologie avec enthousiasme dans l’espoir qu’elle les aiderait à mieux gouverner et améliorer l’humanité.

Les utopies, même les plus révolutionnaires, montrent toujours les erreurs systématiques de l’époque où elles ont été pensées ; cet essai audiovisuel est à cette croisée des chemins, essayant de penser ce qui se cache derrière les usages positivistes des technologies.

Lire aussi : Cybersyn, le socialisme cybernétique d'Allende

Regina de Miguel est une artiste visuelle née à Malaga en 1977 qui réalise des films, des installations et performances. Pratiquant une archéologie du futur, elle aime les voyages dans le temps, les espaces intermédiaires, et subvertir les histoires, entre science, poésie et fiction. Parmi ses expositions personnelles: Aura Nera, Santa Mónica, Barcelona, 2016; Ansible, Maisterravalbuena Gallery, Madrid, 2015; All knowledge is enveloped in darkness, Kunsthalle Sao Paulo, 2014;  Nouvelle Science Vague Fiction, General Public, Berlin 2011.

Site internet

Evènement payant, en streaming ici :