Communiqué • 14 décembre 2024
Occupation de la Gaîté Lyrique : aucune proposition de résolution par les autorités compétentes, plusieurs événements annulés
Et si, dans un futur proche, la peau humaine pouvait être imprimée, répliquée, stockée comme un bien médical ? La doctorante et comédienne Chloé Lavalette s’apprête à questionner ces enjeux dans une performance qu’elle élabore au sein de la Gaîté Lyrique.
La peau, c’est la barrière entre intériorité et extériorité, qui protège mais qui rend vulnérable aussi. Elle cristallise des enjeux inouïs d’identité et d’inclusion, sans oublier la santé publique, la peau étant un organe impossible à greffer d’humain à humain et non-répliquable. Jusqu’à maintenant toutefois : les premières prouesses sur le sujet montrent que l’impression de peau n’est plus tout à fait une utopie. Et que, même si nous sommes loin de pouvoir acheter nos rouleaux de peau comme si on allait choisir notre papier-peint, cette évolution médicale majeure mérite qu’on réfléchisse à ses potentielles conséquences.
Chloé Lavalette, doctorante en Études Théâtrales à l'École Normale Supérieure (PSL Research University) et au sein du programme SACRe (Sciences Arts Création Recherche) et également comédienne et dramaturge, s’y plonge à l’occasion d’une performance nommée Crap #2 (la peau²), qu’elle travaille au sein même de la Gaîté Lyrique danes le cadre du cycle “recherches à découvert” et qu’elle présentera le mardi 20 novembre. L’occasion d’en parler avec elle entre deux répétitions.
Comment ça se passe, depuis que tu es arrivée ?
Chloé Lavalette : Je suis là depuis lundi dernier. J’étais attablée sur mon ordinateur la première semaine, à travailler le texte sur lequel je base tout mon projet. Et depuis le début de cette semaine je suis en immersion dans la Petite Salle de la Gaîté Lyrique, dans laquelle j’essaie de passer le plus de temps possible. Je revois ma dramaturgie à l’aune du plateau sur lequel je vais faire ma performance, je pars sur quelque chose de plus sensible que ce que j’avais imaginé au départ.
À l’heure qu’il est, la trame de ta performance est construite ?
C’est encore en train de se construire. Le début est très clair, je peaufine la fin. J’entrelace des moments d’expérimentation sensible en direct, sur mon propre corps ou avec des objets, et des moments de discours au public, à qui je raconte les enjeux de ma recherche, qui est partie d’une enquête que j’ai menée à Lyon sur la bio-impression de peau. Je rajouterai aussi dans la performance des morceaux de “conférence fictive” avec un personnage qui viendrait du futur et qui raconte ce qui s’est passé depuis aujourd’hui sur la question de la peau.
D’où t’es venu le stimulus qui t’a fait te lancer dans ce projet, et qu’est-ce qu’il raconte ?
Je fais une thèse sur la question de la nudité en théâtre et en danse. Quels sont les enjeux autour de la notion de pudeur aujourd’hui ? La vulnérabilité est-elle une notion politique, comment la perçoit-on, comment la prend-t-on en charge ? Voilà pour le contexte. Et en 2017, je suis tombée sur un article qui parlait de bio-impression de peau par des imprimantes 3D. J’avais été impressionnée par cette possibilité mais elle n’a ressurgi dans mes réflexions que plusieurs mois après. S’est construit dans ma tête une sorte de fantasme de création de peau décorrélée du corps, comme un stock qui pourrait panser toutes les blessures… Une utopie de monde sans douleur. Je me suis au passage rendu compte, en sondant ma propre perception de cette avancée scientifique, que j’avais une sorte de phobie de l’altération de la peau.
J’ai donc voulu travailler dans cette direction, avec comme imaginaire ultime le fait de pouvoir “changer de peau”. Que se passerait-il si, dans un futur devenu archi-libéral au niveau de la corporalité, on pouvait changer complètement de peau si on en avait les moyens, dans 40 ou 50 ans ? On pourrait se permettre de “se réparer”, mais aussi de “changer de couleur”, pour un futur utopique ou dystopique. Disons que cela vient exacerber des enjeux de racisme structurel déjà présents dans la société actuelle. Il y a des possibles d’aliénation comme d’émancipation, c’est extrêmement ambivalent !
C’est un défi assez fou de synthétiser une telle couche d’enjeux dans un espace-temps imparti…
Si le spectateur est un peu “saturé” d’informations, ça ne m’embête pas. On est vraiment dans le cadre d’une recherche, c’est ça qui est intéressant. Il y a toujours quelque chose à trouver dans un sentiment de profusion, ou dans des formats comme celui-ci où je peux me permettre d’alterner entre discursif, corporel, textures, mots. Mais je sais aussi que tout ça va continuer à s’articuler de mieux en mieux et que j’aurai une idée précise de ce que je pourrai proposer seulement un instant avant de me lancer dans le grand bain !
Tu trouves quoi de spécial dans l’accueil de la Gaîté Lyrique ?
C’est évidemment un environnement matériel, rien que d’avoir un bureau et un studio, c’est un grand privilège. Mais ce qui me plaît vraiment, c’est l’environnement humain et intellectuel dans lequel on peut évoluer. Je suis entourée de gens super pertinents et à l’écoute, de toutes parts ! Cette enveloppe d’accompagnement, c’est hyper rare...
Crap #2 (la peau²), dans le cadres du cycle Recherches à Découvert, mardi 20 novembre à 19h00.
Cet article est associé au cycle :
27.09.17–30.06.19
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