Communiqué • 14 décembre 2024
Occupation de la Gaîté Lyrique : aucune proposition de résolution par les autorités compétentes, plusieurs événements annulés
FAME, le festival du film sur la musique, revient pour une sixième édition à la Gaîté Lyrique. Au programme, des compétitions, des projections, mais aussi des rencontres mais aussi des performances. Comment définir ce nouveau FAME ? Nous avons demandé aux programmateurs, Benoît Hické et Olivier Forest.
Olivier Forest : On navigue à nouveau entre les époques, les genres, les styles, les formats ... Je crois que c'est ce qui fait la richesse du festival, de retrouver côte à côte Sébastien Tellier et Lydia Lunch, R. Stevie Moore et Fela, PJ Harvey et Madonna. Pour nous, il y a une sorte de jubilation à réunir un tel casting. Et cette année on a à nouveau travaillé ce qu'on appelle le "hors séance", ce qui se passe hors de nos deux salles de projection - avec une série de trois belles performances audio-visuelles, en accès libre, et des DJ sets. Et pour la première fois cette année, on organise une journée professionnelle, ouverte au public, pour se pencher sur la question du documentaire musical, de la production à la distribution. Ce sera une série de panels et d'études de cas avec des producteur·rice·s, distributeur·rice·s, festivals, réalisateur·rice·s, juristes, etc ... Je pense que ça va être passionnant.
Benoît Hické : Le festival se passionne comme chaque année pour les différentes esthétiques qui font la richesse du cinéma, surtout documentaire. A travers l’exploration du spectre musical, comme d’habitude sans aucune œillères ou a priori, le festival s’attache à présenter des films très variés et complémentaires. Le documentaire Cosmic Trip, par exemple, produit par ARTE, sera projeté avant sa diffusion à l’antenne. Il est écrit par le journaliste Christophe Conte et il remplit avec talent la mission de raconter l’histoire d’un courant musical par le biais d’archives. En contrepoint, nous présenterons en exclu mondiale une expérience filmique extraordinaire, Jimmy Is a Punk, qui nous immerge dans un concert du groupe néerlandais Panic. Juste deux exemples afin de démontrer si besoin le spectre de plus en plus large que nous souhaitons parcourir, en espérant que le public saura se montrer aussi curieux que nous ! Nous présenterons aussi une comédie musicale « pop » de la chanteuse Barbara Carlotti, des films plus anciens mais peu vus (dont le cultissime Paris is Burning en version rafraîchie). C’est donc peu dire que l’édition 2020 sera un bouquet très garni.
Olivier Forest : Que de la fête à la colère, de la joie pure à la mélancolie, la musique circule dans tous les interstices.
Benoît Hické : On pourrait dire de la cuvée 2020 qu’elle resitue la musique dans son histoire et qu’elle épouse un courant de la production de films de plus en plus attachée à retracer par les moyens du cinéma l’histoire de la musique et donc des plis parfois moins visibles de la pop culture (pop culture qui est désormais mise à toutes les sauces, par ailleurs). A travers ces films sur la musique, on pousse le public se questionner sur sa propre relation à la musique, au cinéma et plus généralement à l’art (qui « rend la vie plus intéressante que l’art », pour reprendre la célèbre phrase de Filliou) et aux manières de le représenter.
Benoît Hické : La question est ardue puisqu’il faudrait se replonger dans toutes les éditions du festival mais il est toujours intéressant de tenter de prendre du recul. On peut dire sans trop se tromper que si l’édition 2019 était traversée, en creux ou frontalement, par des figures de femmes, celle-ci est plus marquée par un axe punk, au sens le plus radical ou séditieux du terme : une attitude décalée vis-à-vis de l’industrie de la musique et surtout du monde (j’ai envie d’inclure Sébastien Tellier dans cette généalogie, qui comprend aussi R.S Moore, Lydia Lunch, le groupe Panic bien sûr, pourquoi pas John Carpenter, Felix Kubin et ses machines). Et comme souvent, mais c’est le propre du film sur la musique, nous avons choisi de lever un pan du voile et de présenter des films qui nous plongent dans les coulisses de l’industrie et dans l’intimité des stars (Aurora, Uffie, PJ Harvey). C’est notre petit côté Gala !
Olivier Forest : L'avantage de faire un festival de taille modeste, c'est que si on a bien fait notre travail, on n'a que des coups de coeurs dans la sélection finale. On a un nombre de créneaux limité, donc on n'est jamais confronté à l'idée du remplissage, ou de la sélection trop large. On a plutôt le problème inverse, on doit faire beaucoup de choix difficiles. Je vois ça aussi un peu comme une fête, tu n'invites que des gens que tu aimes, et tu es content qu'ils soient tous là.
Benoît Hické : Citons peut-être quelques films présentés hors compétition, surtout Remember Marvin Gaye, que nous présenterons en pré-ouverture chez nos amis du Centre Wallonie Bruxelles. Nous avons échangé avec eux sur un film qui ferait le pont entre nous et très vite le choix s’est porté sur cet étonnant documentaire de la télévision belge qui revient sur le séjour que Marvin Gaye a effectué dans la petite ville d’Ostende, aux longues plages. Il était rincé par des années de tournées et d’excès en tout genre et il trouva à Ostende la force de se remettre en selle pour écrire son nouveau tube Sexual Healing. A ne pas rater.
Olivier Forest : Je pense que c'est une catégorie trop vaste pour être caractérisée de manière globale. Il y a des films qui sont réalisés du vivant d'un artiste, d'autres longtemps après sa mort, certains qui sont tournés sur des années, d'autres très rapidement .... En ce qui me concerne, ce qui me touche, c'est quand on voit d'autres choses apparaître en filigrane derrière la musique, ou le musicien - une époque, une situation sociale, politique ... Quand la caméra n'est pas uniquement hypnotisée par la star, le sujet, mais qu'elle s'aventure ailleurs, sans perdre le fil. Et la musique et l'image doivent marcher ensemble bien sûr.
Olivier Forest : Pas besoin de références particulières pour aborder FAME. Même si vous n'en avez vu aucun, c'est l'occasion de commencer !
Olivier Forest : Ce qu'on voit apparaître récemment, c'est le format de série - des formes plus fragmentées, qu'on peut visionner en épisodes, en ligne, sur son téléphone. Je pense à tout le travail d'ARTE creative, avec par exemple Paris 8, la Fac Hip Hop qu'on a programmé l'année dernière. Ce qui est intéressant, c'est qu'on commence à voir des films sur des artistes qui sont des millennials, donc qui ont toujours vécu avec des smartphones et les réseaux sociaux - il y a donc à la fois une matière d'archives plus intime, qui existait beaucoup moins avant, et aussi le statut particulier public/privé, intime/mis en scène de cette matière publiée en ligne. Là je pense au film sur Lil Peep, Everybody's Everything, qu'on aurait beaucoup aimé passer - mais qui est sorti en ligne avant FAME. La grande nouveauté, elle est aussi dans le mode de diffusion, de distribution. On parlera d'ailleurs de ces changements pendant la journée professionnelle.
Benoît Hické : Sans être devin, on peut penser que les expériences liées à la musique vont de plus en plus épouser les expériences imaginées d'une part par les diffuseurs TV, les sites de streaming et bien sûr les salles de cinéma. On connaît les séances dans certains circuits qui proposent des opéras en direct, on connaît le festival d'ARTE diffusé en direct sur leur site, on commence à voir des expériences de réalité dite "virtuelle" autour de la musique et la manière de la vivre. Tout ça avec le sentiment que c'est balbutiant, que ce n'est que le début et qu'avec le développement de tous ces dispositifs, ce sera l'expérience du concert qui pourrait être modifiée. Les deux secteurs se parlent, c'est certain, et cela a déjà des conséquences sur la vie de certains films. Peut-être que le festival FAME 2030 ne montrera plus de films en tant que tels mais embarquera le public dans des expériences immersives qui feront revivre un concert de Al Green ou celui de Daft Punk à Coachella. Mais je pense qu'en parallèle, il y aura toujours des auteurs amoureux des moyens du cinéma documentaire et du temps long qu'il permet d'activer afin de saisir les musiciens au travail. Cette magie du cinéma me semble inégalable, quelles que soient les technologies qu'on pourra déployer pour faire vivre des expériences virtuelles.
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