Communiqué • 14 décembre 2024
Occupation de la Gaîté Lyrique : aucune proposition de résolution par les autorités compétentes, plusieurs événements annulés
La Gaîté Lyrique accueille la 3e édition du Paris Awards Ball, compétition internationale de voguing, le samedi 7 juillet 2018. Cet événement est l'occasion de revenir sur le voguing, son histoire, ses différents acteurs et son inscription dans notre époque.
Recevoir la compétition Paris Awards Ball en partenariat avec Paris BallRoom Scene s’inscrit dans l’engagement de la Gaîté Lyrique envers les formes artistiques émergentes. Souhaitant mettre en lumière des artistes dont le travail interroge les normes sociales et identitaires, la Gaîté Lyrique produit notamment Loud & Proud, festival des musiques et cultures queer. Avec le Paris Awards Ball, c'est le voguing qui est mis à l'honneur, et pour celles et ceux qui n'en n'ont pas entendu parler ou qui n'en connaissent pas les premiers codes, cet article revient sur cette culture aux multiples facettes.
Le voguing apparaît aux États-Unis dans les années 1920 en réaction à une double discrimination à l’égard des communautés LGBT afro-américaines et hispaniques. Il reste relativement anonyme jusqu’aux années 1960 et prend la forme de concours de beauté : les ballroom (bals). Parodiant les gestes d’une élite blanche, représentant le capitalisme, le luxe et la mode, le "voguing dansé" se développe et devient un véritable outil d’émancipation.
Mouvement communautaire, il se transforme en un espace mixte de liberté où l'on performe et l'on s'invente. En témoigne le célèbre documentaire de Jennie Livingston Paris is burning (1991) qui propose une immersion dans le monde des vogueurs et vogueuses. On découvre un univers codé, hiérarchisé où chacun et chacune trouve sa place mais rêve d’un ailleurs.
"Those balls are more or less like our fantasy of being a superstar. [...] They come to balls starving.[...] They don’t have a home to go to. [...] And then get dressed up and come to a ball for that one night and live the fantasy."
Dorian Corey - Extrait de Paris is burning : "Ces balls sont plus ou moins notre fantasme de devenir une superstar. [...] Elles viennent à la compétition crevant de faim. [...] Elles n’ont pas de maison où aller. [...] Et ensuite elles se costument et viennent au ball pour une nuit vivre le fantasme."
C'est dans un New-York des années 1990 que l’on navigue entre lieux de représentation et lieux d’intimité. Le parterre des défilés s’oppose aux coulisses des balls, la street rompt avec les appartements exigus des vogueurs et vogueuses. Et sur scène tout se mélange : costumes, paillettes, maquillage presque outrancier, poses de mannequins, danse et même mouvements de gymnastique. Alors on se prend au jeu, on rentre dans la danse. Et finalement on s’attache aux personnages qui regroupent de nombreuses catégories sociologiques et identitaires : jeunes, rêveurs, femmes, gays, noirs, hyspaniques, blancs, camés, trans... Leur point commun : avoir souffert du rejet et l’exprimer dans les balls en essayant de dépasser les frontières de leur condition.
"You can become anything and do anything, right here right now."
Freddie Pendavis - Extrait de Paris is burning : "Tu peux devenir qui tu veux et faire ce que tu veux, ici et maintenant."
Le ball permet de travestir la réalité et s’en émanciper. Une société se recrée, de nouveaux codes s’érigent et une hiérarchie s’installe : les houses historiques (Ninja, Xtravaganza, Labeija, Dupree, Pendavis, Mizrahi) sont chapotées par les mothers qui guident leurs kids, et ainsi de suite. La cellule familiale est au coeur du voguing. Et les différentes familles s’opposent lors de battles enflammées, chacun concourant dans sa catégorie. Car plus qu’un simple concours de beauté, il s’agit d’endosser un nouveau rôle, formalisé dans différentes catégories : School boy realness, The best executive, Baby Vogue…
Le voguing s’essouffle à la fin des années 90 puis il s’exporte outre-atlantique dans les années 2000 sous l’impulsion d'une vogueuse légendaire Lasseindra Ninja (Xavier Barthelemi de son état civil). Guyanaise d’origine, elle découvre la scène new-yorkaise à 15 ans et revient en France avec toute une culture qu’elle diffuse dans la capitale en participant à des concours dans la catégorie "femmes". En 2010, elle est recrutée par une house, dont le fondateur Willy Ninja disait dans les années 1980 :
"I want to take voguing, not to just Paris is Burning, but I want to take it to the real Paris and make the real Paris burn."
Willy Nina - Extrait de Paris is burning : "Je veux importer le voguing, pas seulement avec Paris is Burning, mais je veux l'importer dans le vrai Paris et faire brûler le vrai Paris."
En 2012, Lasseindra exauce son vœux en organisant le premier ball à Paris. La ville est ensuite reconnue capitale européenne du voguing et la ballroom scene parisienne devient un lieu de mélange des genres et des nationalités. Des artistes s’en font les ambassadeurs, comme en témoigne le très emblématique titre Let a B!tch know de Kiddy Smile, qui présente son premier album sur la scène de la Gaîté Lyrique le 25 octobre 2018.
Le voguing, plus qu'une danse, est une culture à part entière. Culture qui soulève de nombreuses questions : la relation à la sexualité, au corps, au geste, à l’argent, au milieu social ou familial. Un peu de tout ça, dans un mouvement qui devient une compétition féroce où l’on s’affiche fièrement, sans jugement d’identité. Le voguing naît de l’envie de devenir une superstar, atteindre ce que l’on n’est pas. Illusions ou réalité ? Quoi qu’il en soit, les balls sont des shows dont on ne se lasse pas.
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