Saviez-vous qu’il est possible de provoquer un changement de comportement sans passer par la prescription ?
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C’est là l’équation a priori insoluble que les Nudges se proposent de résoudre. En langage scientifico-comportemental, les Nudges sont des sortes de « coups de pouce » pour organiser les choix d’un individu sans le forcer, via les normes sociales et les réflexes naturels. Thaler et Sunstein, respectivement économiste et philosophe de renom, ont choisi le terme de « paternalisme libertarien » pour désigner cette méthode, qu’ils définissent comme « une version relativement modérée, souple et non envahissante de paternalisme, qui n’interdit rien et ne restreint les options de personne ». Ces Nudges pourraient bien révolutionner l’approche de la gouvernance, publique ou privée, et offrir la possibilité de changer de manière effective des comportements bien installés. Plus concrètement, ils pourraient permettre à chacun d’adopter des comportements plus respectueux de son environnement, de sa santé, de ses voisins… sans y être contraint. Les Up Conferences ont décidé de se pencher sur cette méthode particulièrement innovante pour prendre la mesure de son incroyable potentiel et en comprendre les ressorts.
Les Nudges ont déjà fait leurs preuves au-delà de nos frontières. La comparaison à autrui a permis à la ville de LaVerne, en Californie, d’augmenter le taux de recyclage de ses habitants de 19% en les informant sur le comportement de leur voisinage. Tous les matins, une note était apposée sur leur porte et leur indiquait combien de foyers recyclaient et quel volume de déchets était collecté. L’esprit de compétition a fait le reste et les familles ont redoublé d’énergie pour trier papier, plastique et canettes pour faire mieux que leurs voisins. Une étude semblable a été menée dans des hôtels : une indication a été apposée dans la salle de bain de chambres, précisant que 75% des personnes ayant occupés la chambre - une valeur arbitraire et volontairement élevée - ont réutilisé leur serviette au lieu de la changer tous les jours. C’est alors 44% des clients qui ont conservé effectivement leurs serviettes, contre 35% dans les chambres où la statistique n’était pas précisée. L’incitation par le biais des Nudges peut donc être un puissant outil pour modifier les comportements, sans pour autant être anxiogène ou culpabilisante, et laissant à l’individu son libre arbitre.
Eric Singler fut l’un des premiers à croire en cette méthode d’incitation innovante, au point d’avoir monté un département transversal dédié à ces « coups de pouce » au sein du groupe BVA dont il est le directeur général. Ce passionné de Behavioral Economics (économie comportementale) a ainsi fait de son groupe le pionnier du Nudge en France. Stéphane Riot, fondateur de NoveTerra, se définit comme un accompagnateur de transformation éco-systémique des organisations et des individus. Passionné de neurosciences et des approches comportementales, il a notamment consacré un chapitre aux nudges dans l'ouvrage « Vive la CoRévolution!, pour une société collaborative » (Alternatives, 2012) dont il est le co-auteur.
Les nudges posent ainsi la question de l’évolution des comportement et de l’adhésion au changement. Faut-il voir en eux l’outil révolutionnaire qui permettra à chacun, y compris aux plus réfractaires, d’adopter des habitudes plus vertueuses, plus responsables, plus éthiques ? A l’inverse, faut-il craindre un risque de manipulation et de déni du libre arbitre ? En résumé, les nudges interpellent en ce qu’ils placent au coeur du débat l’adage tant controversé : « la fin justifie les moyens ».