Dominique Pasquier s’est intéressée aux pratiques en ligne des classes populaires, ces oublié·e·s de la recherche dont le rapport à Internet avait été jusque là peu étudié. Elle montre qu’il existe deux Internet, celui des gens qui produisent et sont créatifs, et l’Internet des classes populaires, un Internet à bas bruit qui fonctionne comme une deuxième école.
Les individus modestes sont-ils exclus de la révolution numérique ? On l'a longtemps cru. Ils sont peu ou pas diplômés et exercent des métiers qui ne demandent pas d'usage de l'informatique. Pourtant, ils se sont pleinement emparés d'Internet et en ont fait un instrument de leur vie quotidienne. La recherche en ligne leur a ouvert un monde jusque-là hors de portée. Des biens et des services, auxquels il leur était impossible d'accéder avant dans ces zones rurales, sont à portée de clic, à des prix imbattables. Internet est aussi un lieu de parole et de réconfort : dans l'entre-soi des comptes Facebook sont confiés aux proches les drames de la vie en milieu populaire.
Mais cette aventure a un coût. Ces outils, dont le potentiel d'individualisation est fort, fragilisent la vie collective familiale en multipliant les « moments à soi » entre conjoints et en rendant le contrôle de la sociabilité des enfants impossible. Les achats en ligne contribuent à détruire le petit commerce et à désertifier l'environnement immédiat. Les relations électroniques avec Pôle Emploi ou la CAF tournent souvent au cauchemar et transforment l'État providence en État tourmenteur.
Intervenante
Dominique Pasquier : sociologue et directrice de recherche au C.N.R.S, enseignante-chercheuse à Télécom ParisTech, ses travaux portent sur la sociologie de la culture et des médias. Elle travaille actuellement sur l'articulation entre les pratiques de sociabilité, de communication à distance et les pratiques culturelles et de loisir.