Après une présentation de son travail, l’artiste Marie Moreau anime une table ronde avec Yvane Chapuis, Nathalie Ferré et Sylvia Press-Laussinotte, dont l’objet est de mettre en perspective, depuis les champs de l’art et du droit, la nécessité d'inventer de nouveaux espaces pour une autre justice migratoire.
Le travail de Marie Moreau, qu'elle élabore depuis le partage avec d'autres, vient perturber et mettre en danger les attendus et les propriétés des champs depuis lesquels ielles oeuvrent ensemble : la migration, l'art, les sciences humaines et la justice. Ces perturbations ou malaises sont traités en amis parce qu'ils permettent de lever les impensés, de les soigner et potentiellement de transformer nos puissances créatrices. Ainsi la recherche-création à découvert, "exposée à tous les vents" des relations comme le dirait la complice et chercheuse Sarah Mekdjian, bouleverse-t-elle les pratiques et leurs représentations, en particulier dans le domaine des politiques migratoires.
Depuis février 2018, un Bureau des dépositions a pris forme dans le lieu occupé et autogéré Le Patio solidaire sur le campus universitaire de Saint-Martin d'Hères à côté de Grenoble. Par l'écriture de lettres de déposition, signées à plusieurs ou en noms propres, le collectif fabrique les termes d'une critique politique et constitue les preuves d'un procès à venir. Leurs lettres de déposition sont adressées aux responsables des politiques migratoires et des déplacements de populations. Avec ce projet, ielles s'attèlent dès aujourd'hui à répondre aux mots du philosophe Étienne Balibar : « l'histoire nous demandera des comptes ».
Intervenants
Marie Moreau
Elle agit depuis les champs du cinéma documentaire et de l'art. Par l’activation de dispositifs conviviaux, elle engage des réalisations qui lèvent des expériences mises sous silences, cachées ou exclues. À partir de pratiques partagées, en tant que co-auteur.es et/ou en coopérative, elle s'interroge sur les puissances émancipatrices de l'art, de la science et plus récemment de la justice. Depuis 2013, elle élabore avec Sarah Mekdjian, enseignante -chercheuse en géographie sociale, des plateformes de création-recherches qui investissent le domaine des politiques migratoires avec des personnes concernées par les procédures et les violences de ces même politiques. Elle intervient régulièrement dans des écoles d'art et à l'université.
Yvane Chapuis
Historienne de l'art, elle est responsable de la recherche à la Manufacture, école d’arts de la scène à Lausanne, en Suisse. Elle s'intéresse plus particulièrement aux formes performatives de l'art contemporain. Elle a co-dirigé les Laboratoires d'Aubervilliers de 2011 à 2008, puis co-présidente du réseau « tram-Réseau art contemporain Paris-Île-de-France » en 2008 et 2009 et conseillère pour les arts vivants au Collège des Bernardins à Paris.
Nathalie Ferré
Professeure des universités à Paris XIII, elle est directrice adjointe de l’Iris (Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux sociaux). Elle a présidé de 2000 à 2008 le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) qui défend les droits des étrangers et l’état de droit par des publications et des interventions. Elle est invitée à présenter le tribunal permanent des peuples (TPP) qui fait écho au Bureau des dépositions conçu comme un espace pour une nouvelle justice migratoire dont la pratique se rapproche des tribunaux d’opinion.
Sylvia Preuss-Laussinotte
Juriste française, spécialiste des droits fondamentaux et du droit des étrangers, elle enseigne à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense (Paris X). Elle est co-auteure de Plaidoirie pour une jurisprudence avec les artistes Patrick Bernier et Olive Martin, et le juriste Sébastien Canevet. Elle nous parle de cette performance qui recrée sur scène une défense au cours de laquelle deux avocats s'arment de l'hospitalité du droit d'auteur pour forcer l'hostilité du droit des étrangers.