Le sociologue Antonio Casilli revient sur son dernier ouvrage "En attendant les robots", une enquête sur le travail du clic, en compagnie du collectif RYBN qui présente son projet de recherche "Human Computers" sur les relations entre organisation du travail et informatique.
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Se pencher sur l’impact actuel de l’intelligence artificielle sur la société implique d’abord qu’on analyse le "travail du clic" nécessaire pour produire de grandes bases de données qui permettent l'apprentissage machine. Myriades de travailleur·euse·s, souvent recruté·e·s par le biais de plateformes numériques spécialisées, annotent, étiquettent, corrigent et trient les données qui permettent de calibrer et de tester des solutions intelligentes. Les micro-tâches réalisées par cette force de travail invisibilisée consistent, par exemple, à étiqueter des objets sur une photographie pour entraîner des modèles de vision par ordinateur, ou à vérifier l'exactitude des transcriptions réalisée par des système de conversion de la parole en texte.
Ces tâches de calcul humain, fragmentées et déléguées à une main d’oeuvre sous-payée, pourraient sembler un phénomène récent, mais en réalité elles existent depuis plusieurs siècles. Les recherches historiques documentent la présence d’ "ordinateurs humains" (human computers) avant notre époque. A la fin du XVIIIe on confiait à des chômeurs des tâches de calcul répétitives, nécessaires pour fabriquer les tables logarithmiques. Dans le courant du XIXe siècle, l’idée allait être reproduite dans d'autres domaines tels que les données météorologiques, l’analyse des transmissions électriques, l’astronomie.
Déjà à cette époque le travail des "ordinateurs humains" oscillait entre deux modèles différents : la salle de calcul, proche du paradigme de l’usine, qui allait devenir le prototype des data center des plateformes capitalistes ; le calcul domestique, proche de la "cottage industry", qui allait inspirer les grandes plateformes de micro-travail comme Amazon Mechanical Turk. Si ces activités de human computing ont survécu à l'essor de l’électronique et du numérique au XXe siècle, et deviennent aujourd’hui l’ingrédient secret de l’intelligence artificielle, il est urgent de les analyser en jetant un pont entre l'histoire des sciences et la sociologie des technologies.
Antonio Casilli revient sur son dernier ouvrage En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic (Seuil, 2019) en compagnie du collectif RYBN qui présente son projet de recherche "Human Computers" qui enquête sur les relations entre organisation du travail et informatique.
Invités
- Antonio Casilli : sociologue, enseignant-chercheur à Télécom Paris et chercheur associé au LACI-IIAC de l’EHESS. Il a notamment publié En attendant le robots. Enquête sur le travail du clic (Seuil, 2019), Les Liaisons numériques (Seuil, 2010) et, avec Dominique Cardon, Qu’est-ce que le digital labor ? (INA, 2015).
- Le collectif RYBN mène un projet de recherche média-archéologique intitulé "Human Computers", qui prend comme point de départ l’analyse du Turc mécanique, un automate joueur d’échecs créé par Von Kempelen à la fin du XVIIIe siècle, et le modèle de l’usine computationnelle de Gaspard de Prony, pour observer les liens entre l’économie, la division du travail et l’informatique.
Dans le cadre du séminaire "Étudier les cultures du numérique" animé à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales par Antonio Casilli, professeur à Telecom Paris, la Gaîté Lyrique accueille quatre rencontres publiques autour de la question des mutations du travail à l’ère du numérique. Chaque séance est l’occasion d’un dialogue entre des chercheur·euse·s et des artistes de renom international.