Une comédie grinçante et paranoïaque sur la dérive d’un petit employé de bureau dans une Amérique à la fois dysfonctionnelle et standardisée.
dans le cadre de
f.a.m.e 2015 - film & music experience
Buzzard
Première française
de Joel Potrykus (USA, 2014, 97’, VOSTF)
Troisième volet de l’Animal Trilogy de Joel Potrykus, après Coyote et APE (prix du réalisateur émergent, Locarno 2012), BUZZARD est un film mutant. Une boule de négativité rafraîchissante sous death metal où Freddie Krüger tomberait nez à nez avec Harmony Korine. Employé dans une société d’hypothèques, Marty multiplie les escroqueries minables, grapillant ici et là quelques dollars en se glissant dans les failles du système. Quand il décide de passer à la vitesse supérieure en s’emparant d’un lot de chèques qu’il espère encaisser, commence une cavale au ralenti, une descente aux enfers.
Joel Potrykus convoque ici toute la culture nerd américaine, des films d’horreur aux jeux vidéos, du thrash metal à la junk food. Mais à la joie régressive et conventionnelle des comédies américaines, il substitue un humour grinçant, paranoïaque, teinté d’une menace sourde et lancinante. À l’aide de son acteur fétiche, l’inquiétant Joshua Burge, il continue son exploration d’une Amérique aussi dysfonctionnelle que standardisée.
Les codes du slacker movie - le “film de glandeur” - des années 90 prennent ici un tour inquiétant, malade. Marty est-il un idéaliste ? Un idiot complet ? On n’est certainement pas chez Judd Apatow, il faudrait plutôt chercher du côté des frères Farrelly : la seule rédemption possible est dans la persistance dans l’idiotie, tout comportement rationnel étant une forme de soumission. Joel Potrykus démonte avec jubilation - et un certain sadisme - tous les petits codes et rituels de la société américaine: une Amérique à la laideur standardisée, sans la moindre splendeur, froide et inhumaine.
C'est l’Amérique de ceux qui prennent le bus, gagnent 9$ de l’heure, et survivent sans assurance santé.