À l’occasion de la tenue du sommet de la biodiversité à Paris et de la Nuit de la biodiversité, la Gaîté Lyrique propose une journée pour penser l’extinction et interroger notre rapport aux vivants au travers de conférences et d’ateliers.
Effondrement des populations d’insectes, anthropisation croissante des écosystèmes, extension des monocultures, appauvrissement des espèces domestiques, la 6ème grande extinction est d'ampleur planétaire et son origine est humaine. Pour faire face à cette catastrophe, il faut la dire, la penser.
Dans cette perspective, l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, rassemble des chercheurs, des experts issus de la société civile, des tenants des savoirs autochtones, comme l’a fait le GIEC pour le changement climatique. Ensemble, ils établissent un état des lieux de l’extinction en cours, énoncent les zones d’incertitudes, identifient les outils politiques pertinents et émettent des préconisations.
Ce travail fait dialoguer sciences humaines et sciences du vivant, il est également un processus diplomatique de négociation entre les États. Organisée au siège de l'Unesco à Paris, la 7ème réunion plénière de l'IPBES aboutira à la publication d'un rapport début mai. Au-delà de cet important travail de synthèse, un grand nombre de chercheurs, d'artistes, de politiques, de communautés et de citoyens cherchent à recomposer notre rapport aux vivants. Ils imaginent et expérimentent des modes de vie et d'agencement du monde pour faire face à la crise.
En écho à cet événement, la Gaîté Lyrique invite artistes, chercheurs et naturalistes à croiser leurs points de vue pour appréhender les enjeux liés à l'effondrement de la biodiversité et apprendre à mieux cohabiter avec les autres espèces. En accès libre, la journée propose une promenade commentée dans le quartier pour se rendre attentif aux formes de vie locales, une séance de méditation écosystémique, une conférence sur les plantes et leurs savoirs, et une table ronde sur les apports de l'IPBES et les alternatives possibles.
Programme
10h-12h : Promenade guidée avec Les Naturalistes Parisiens
Le sauvage se loge même au cœur de nos villes entre les pavés, en bordure des trottoirs, dans les anfractuosités des immeubles. Une balade menée par des naturalistes invite les participants à la découverte de cette nature avec laquelle nous cohabitons souvent sans la voir. La promenade est proposée par l'association Les Naturalistes Parisiens qui organise chaque année, grâce à l'engagement de ses membres, plus de quarante excursions multidisciplinaires sur la botanique, la mycologie, l'ornithologie, l'entomologie et la géologie.
RÉSERVEZ
14h-15h : Méditation écosystémique avec Loup
Cet atelier est une invitation à re-sentir nos relations à notre propre milieu. Au cours d’une méditation guidée, Loup nous invite à nous accorder aux différents mouvements et pratiques des êtres qui constituent un écosystème donné : plantes, insectes, climatiseurs, nuages, néons, courants d’air... Ce processus propose d’interroger physiquement, pour la renverser, la notion de services écosystémiques habituellement attribuée exclusivement aux non-humains. Après un voyage mental connectant aux manifestations et performances photosynthétiques, géologiques, Wi-Fi, électriques ou pollinisatrices, l’attention se dépose doucement sur nos propres corps pour introduire et expérimenter l’hypothèse somatique de services écosystémiques "plus-que-non-humains".
- Loup : il/elle entretient différentes pratiques de facilitation : danser par le milieu, jardiner, organiser des funérailles, générer des modes de résurgence, de réparation et de résolution de conflits pas seulement humains. Elle/il fait partie du collectif Dance for Plants.
RÉSERVEZ
15h-16h : Conférence de Samir Boumediene : "Les savoirs de la disparition. Éléments pour une histoire de la relation aux plantes"
Les recherches de Samir Boumediene portent sur les plantes et leurs enjeux historiques et politiques. Il s'intéresse aux plantes comme des "matériaux-savoirs", capables de transformer le monde à l'échelle planétaire, à l'image du sucre. À partir de l'histoire politique de leurs utilisations et de leurs migrations, il montre la manière dont les savoirs se construisent et souligne l'importance des plantes dans le fonctionnement de nos sociétés.
- Samir Boumediene est chargé de recherche à l’ENS Lyon et au CNRS. Il a écrit La colonisation du savoir Une histoire des plantes médicinales du "Nouveau Monde (1492-1750)" (Les Éditions des Mondes à Faire, 2016).
16h30-18h30 : Table ronde : Quelle politique des vivants pour répondre à l'extinction ?
Rapports d'évaluation, conventions sur la diversité biologique, aires protégées, protection des espèces, rémunération des services écosystémiques, des mécanismes institutionnels sont aujourd’hui mis en place pour gouverner la biodiversité. D'autres approches existent, elles s'appuient sur des savoirs autochtones, des agencements relevant de la diplomatie entre vivants ou des expérimentations collectives : elles valorisent d'autres modes d'attachement et de relation à la terre. Par leur recherche, par leur action, par leur coup de plume et leur humour, chacun-e des invité-e-s interroge la manière dont on cohabite dans un monde fini confronté aux changements globaux.
- Chimère Diaw : économiste et anthropologue, il a contribué à l'émergence de l'IPBES, où il est aujourd'hui en charge de la coordination du rapport d'évaluation pour l'Afrique. Il est le Directeur général de l'African Model Forests Network, une initiative panafricaine de "forêts modèles".
- Alessandro Pignocchi : ancien chercheur en sciences cognitives reconverti dans la bande dessinée, il explore la relativité de notre concept de "Nature". Sa nouvelle BD raconte la révolution de notre rapport au monde que le territoire de la Zad de Notre-dame-des-Landes préfigure.
- Isabelle Stengers : philosophe, spécialiste de la philosophie des sciences, elle examine les pratiques liées à la volonté de "faire science" et aux rapports d’autorité qui lui sont liés. Elle s’intéresse également aux voies politiques et économiques alternatives. Son intervention questionne l'idée de protection de la biodiversité.
- Sarah Vanuxem : maître de conférences en droit privé à l'Université de Nice Sophia Antipolis, ans La propriété de la terre. Contre la doctrine dominante (Wildproject, 2018), elle interroge la conception moderne de la propriété et la fait converger avec les perspectives écoféministes et indigènes les plus radicales. Elle développe une proposition selon laquelle la "faculté à habiter"serait une propriété.
18h30 : Séance de dédicace d'Alessandro Pignocchi
Dédicace du roman graphique La recomposition des mondes (Le Seuil, collection Anthropocène, 2019) par son auteur Alessandro Pignocchi. Ouvrage en vente à la boutique de la Gaîté Lyrique.
Programmation : Pauline Briand, consultante et journaliste en environnement, et Clémence Seurat, responsable de programmes artistiques à la Gaîté Lyrique.