La Fabrique de l’information
La Gaîté Lyrique - Fabrique de l'époque vous invite à rejoindre son écosystème dans le secteur de la culture et des médias indépendants.
Mael Le Mée, sur la scène de la Gaîté Lyrique les 14 et 15 avril 2018, explore la fabrique contemporaine des corps et leurs possibles écritures à venir. Dans l'idée de prendre les commandes du cockpit et de les partager, il s'inspire de savoir-faire variés, comme ceux du pirate de l'air, du barman en donjon SM et du moniteur d’auto-école.
Artiste protéiforme, Mael Le Mée répond à nos questions dans le cadre de Cockpit, son autobiographie commanditée par la Gaîté Lyrique.
Pourquoi ta conférence-performance s'appelle-t-elle Cockpit ?
Un cockpit d’avion c’est un endroit technologique, de puissance et de risque, qui me semble bien résumer l’enjeu de cette "(auto)biographie sur commande". Dans un cockpit on prend le contrôle d’une énorme machine qui fait voler tout en étant toujours dépendant des aléas de la météo et de la possibilité d’un crash. Le corps s’y sangle et s’y oublie pour devenir l’avion. Ça change l’échelle du corps et en même temps c’est très étroit pour lui… Tous ces boutons, manettes, voyants, instruments, ça m’a toujours fait rêver enfant et ça me trouble encore aujourd’hui. J’aime bien considérer mon bureau comme le poste de pilotage de ma vie professionnelle. Et le cockpit, c’est l’endroit qu’on n’a absolument plus le droit de visiter dans un avion bien qu’on y confie sa vie le temps d’un vol.
Alors le cockpit dans Cockpit, c’est une manière de désigner là d’où l’on prend les commandes de sa vie, celles que l’on passe autant que celles que l’on reçoit. Comment on se débrouille avec cette puissance et cette fragilité. Comment on reprend les commandes, comment on reprise le tissu biographique. Et Cockpit c’est aussi un cockpit en soi : c’est le cockpit scénique qui va permettre de voyager dans un espace-temps existentiel pendant un heure. Le cockpit est une métaphore pratique et joueuse. Ici la porte est ouverte, bienvenue à bord.
Peux-tu redéfinir un biomédia, le bodyhacking, les biotechnologies ?
D’un certain point de vue, et en résumant, on peut dire que le projet biotechnologique c’est la maîtrise totale du vivant, du gène à l’écosystème. Le bodyhacking, c’est un courant de pensées et de pratiques activistes visant à se réapproprier le corps, à le bricoler, notamment en détournant des technologies médicales, autant pour échapper à des formes dominantes, « humaines » comme « naturelles », que par création.
Le biomédia, c’est un terme de Jens Hauser, théoricien du bioart, qui explicite la singularité du bioart, le fait que dans ces œuvres le vivant assume les fonction d’un média : enregistrer, traiter, diffuser de l’information. Je le reprends pour définir un média incarné. L’électrostimulation neuromusculaire qui est explorée dans Cockpit ne produit pas un signal sur un écran ou dans un haut-parleur, que des sens existants vont ensuite percevoir à distance. Elle active les muscles et les nerfs à l’intérieur même du corps, elle fait corps. C’est une technologie d’incarnation. Elle incarne le signal autant qu’elle travaille l’incarnation. Elle permet de piloter le corps, ce qui est d’une très grande puissance, autant charnelle que symbolique.
Avec qui travailles-tu ?
Avec Isabelle Solas pour le montage des vidéos d’archive, et pour le tournage de beaucoup d’images récentes. Avec Michel Banane Jr pour les sons, les musiques et tous les signaux envoyés en électrostimulation. En collaboration scientifique avec Etienne Guillaud de l’Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine, dans le cadre d’une résidence arts et sciences financée par l’IdEx Université de Bordeaux, où nous avons mis au point pendant six mois en 2017 notre biomédia fondé sur l’électrostimulation neuromusculaire. Et avec Jos Auzende, une des programmatrices de la Gaîté Lyrique, ainsi que les équipes du lieu. Le rapport avec le commanditaire est toujours crucial. Et Cockpit est justement une affaire de commandes, existentielles et artistiques.
Cockpit s'inscrit dans le projet BIOGRAPHIES : en quoi cela consiste-t-il ?
BIOGRAPHIES est une exploration de la fabrique contemporaine des corps et de leurs possibles écritures à venir. C’est un projet cadre, transmédial, que je le développe depuis 2013 à travers différentes formes. Son titre joue sur le double sens que l’on peut désormais trouver dans la notion de biographie, à l’ère des biotechnologies : autant le récit de l’existence que l’écriture du vivant. Cela permet d’embrasser de nombreuses pratiques et problématiques contemporaines, et de jouer avec. Cockpit émane de BIOGRAPHIES : c’est une autobiographie parmi d’autres. De ce fait, Cockpit sera aussi l’occasion de survoler rétrospectivement quelques productions de BIOGRAPHIES.
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