Digital labor

Updated on 01.11.2021

Activité ultra-fragmentée, sous-payée et parfois même "gratuite", elle pointe un mouvement profond qui est en train de s’installer partout sur la planète, où des milliards de personnes réalisent quotidiennement un "travail du doigt" sur les plateformes numériques, par exemple liker des photos ou cliquer sur des liens. 

Antonio Casilli, professeur de sociologie à Télécom Paris, chercheur de l'Institut Interdisciplinaire de l’Innovation, unité mixte de recherche du Centre National de la Recherche Scientifique, et chercheur associé au Laboratoire d'Anthropologie Critique Interdisciplinaire de l’EHESS.

Le digital labor désigne un ensemble d’activités qui ont lieu ou sont effectués sur des plateformes numériques. C’est un éventail assez large de gestes, ça peut être par exemple des activités qui ressemblent à de la consommation, comme regarder ou partager des vidéos, liker des photos et ainsi de suite. Très vite, on se rend compte que ces activités-là, qui ont l’apparence d’un loisir, servent à produire de la valeur pour les grandes plateformes. Elles se servent du fait que nous cliquons de la même manière que d’autres activités qui pourraient être rémunérées, et j’insiste sur le “pourraient être rémunérées” car dans la plupart des cas elles sont rémunérées très, très faiblement. Ce sont par exemple les gens annonciateurs d’image pour des véhicules autonomes, ou des logiciels de reconnaissance faciale. C’est un travail qui existe, quoique invisibilisé, et souvent délocalisé dans des pays tiers, même si ce travail existe autour de nous. C’est en plus un travail qui ressemble beaucoup à un travail ubérisé, ce sont des personnes qui sont plutôt reconnues comme des usagers, des partenaires, jamais comme des travailleurs ou des salariés, et dont la rémunération est souvent une rémunération à la pièce.