Il Segreto

Carte blanche à Cinéma du Réel

Il Segreto

C’est le lieu qui devient oracle, et qui donne la voix à une ville, clarifiant et libérant le langage obscur et mystérieux de Naples et de ses ruelles.

Dans le cadre de l'exposition Oracles du design, la Gaîté lyrique confie une carte blanche à Cinéma du Réel, festival de cinéma documentaire créé en 1979 au Centre Pompidou, qui s'est imposé depuis comme l'un des plus grands rendez-vous internationaux en la matière.

Il Segreto

un film de Cyop & Kaf

2013 / Italie / 89 min.
> film sélectionné en Compétition Internationale Premiers Films 2014

Un groupe d’enfants napolitains sillonne la ville à la recherche de sapins de Noël, amassant leur mystérieuse collecte dans une cour désaffectée des Quartieri Spagnoli. Avec ou sans aiguilles, secs ou encore verts, extirpés d’une poubelle ou « réservés » de longue date auprès des gardiens d’immeubles : dans les rues de Naples un groupe de gamins récupère les sapins de Noël après les fêtes. Aussi inlassable et affairé qu’eux, le film restitue leur suractivité qui semble d’autant plus intense que leur butin paraît maigre, insolite – invendable. La vitalité touffue d’Il segreto s’organise autour d’un lieu qu’ils appellent « le secret » et protègent jalousement d’autres groupes de ramasseurs. Dent creuse des Quartieri Spagnoli, c’est l’emplacement d’un immeuble démoli en 1993 et jamais reconstruit. La grille qu’ils cadenassent évoque moins un squat à ciel ouvert qu’un portail de ghetto médiéval, mais l’ardeur à garder ce lieu en fait une réappropriation territoriale – un geste politique. Si l’on apprend à la fin la destination rituelle de la collecte, les cadrages qui font corps avec ce babygang et le récit sans commentaires laissent à l’approche anthropologique la place qui lui convient : c’est une coda, pas le corps d’Il segreto. Son foyer vital se situe plutôt quelque part entre le frottement réitéré des carcasses d’arbres sur les escaliers escarpés du vieux quartier, et la musique d’Enzo Avitabile qui jaillit à point nommé. « Et d’ailleurs », demandait énigmatiquement l’exergue empruntée à Cosmopolis de Don DeLillo, « comment voulez-vous traduire les sons en mots ? »
Charlotte Garson  


IL SEGRETO de CYOP&KAF - Compétition... par Cinema_du_Reel

carte blanche à cinéma du réel

Oracle : réponse de la divinité, médiateur de la parole divine, ou lieu physique où l’oracle se manifeste... Trois films pour interpréter trois acceptions du terme, quand l’oracle donne  forme et image à la parole… comme le fait le cinéma.

Dans "Sauerbruch Hutton Architekten", Harun Farocki, auteur-phare disparu en 2014, filme le rapport entre matière et parole dans sa phase de transformation, dupassage d’une forme à l’autre : c’est l’oracle comme réponse.
La parole devient son dans
"The Cockpit" de Sho Miyake, dans les  mains d’un nouveau prêtre contemporain, qui officie son rituel entouré par ses adeptes : c’est l’oracle comme médiateur. Dans "Il Segreto" de Ciop & Kaf c’est le lieu qui devient oracle, et qui donne la voix à une ville, clarifiant et libérant le langage obscur et mystérieux de Naples et de ses ruelles.

Les trois films ont été présentés  lors des deux dernières éditions du Cinéma du réel, festival international de cinéma documentaire. Cinéma du réel célèbre une perméabilité des genres qui  fait la richesse de l’histoire du cinéma et de son présent. Il propose au grand public et aux professionnels de  découvrir les œuvres d'auteurs confirmés ou celles de nouveaux talents,  l'histoire du documentaire comme les propositions les plus contemporaines, sur les écrans du Centre Pompidou mais aussi de plusieurs salles associées à Paris et en Île-de-France.

Maria Bonsanti, directrice artistique de Cinéma du réel