Dans cette double séance, des avatars ressuscitent les fantômes du passé à travers le prisme des technologies.
Le cinéma de Maxence Stamatiadis s’articule autour d’un intérêt constant pour les technologies qui, pour lui, semblent davantage nous enfermer dans un sentiment de nostalgie qu’incarner l’avenir. Dans Au jour d’aujourd’hui et Nationale 3 (présenté dans une version en cours, en exclusivité pour cette dernière séance du cycle Imagespointnet), des avatars ressuscitent les fantômes du passé. Ils incarnent la parole au présent et apparaissent comme l’apanage d’une mélancolie bien contemporaine. Ces technologies sont autant pour Stamatiadis un outil narratif, un dispositif, qu’une manière singulière de planter le décor. Dans une esthétique que l’on pourrait qualifier de “pavillonnaire”, Maxence Stamatiadis dépeint une époque dans laquelle le présent semble figé, et le passé omniprésent. Pour lui, le futur n’est “jamais arrivé”.
Diplômé des Arts Décoratifs de Paris en 2012 en section photo-vidéo, Maxence Stamatiadis a participé en tant que monteur ou co-scénariste aux projets d’artistes contemporains tels que Nicolas Tubéry (Les Maquignons, 2018), Neïl Beloufa (Eaux de Paris, 2019) et Alain della Negra (Petit Ami Parfait, 2019). La pratique de Maxence Stamatiadis s’inscrit entre cinéma et art contemporain.
Au jour d’aujourd’hui (2021 – 67 min)
Production : Hutong Productions, Agathe Berman Studio, Bad Manners Production
Sélectionné à l‘IFFR 2021 et au FIFIB 2021
2024, en banlieue parisienne. Suzanne, grand-mère addict à la technologie qui ne parvient pas à se remettre de la mort de son mari Édouard, télécharge une application permettant de retrouver des êtres chers. Édouard revient alors, mais il n'est plus tout à fait le même...
Au jour d’aujourd’hui reprend des images issues de deux films précédents de Maxence Stamatiadis : Période Killer (2015) et Frissons d’amour (2019), dont l’acteur et l’actrice ne sont autres que ses grands-parents Édouard (entre temps décédé) et Suzanne Mouradian. Tourné dans leur appartement des Pavillons-sous-Bois - banlieue parisienne située au bord de la route nationale 3 – le film retrace le quotidien du couple jusqu’à la mort du mari. Dans une seconde partie tournée quelques années plus tard, les nouvelles technologies permettent à Suzanne de faire revenir une version ni complètement réelle ni tout à fait virtuelle de son époux, dont elle semble se contenter malgré les nombreux bugs et bizarreries qui révèlent la vraie nature de ce robot humanoïde. À mi-chemin entre comédie, science-fiction et drame familial, Maxence Stamatiadis livre une vision désenchantée du progrès technique qui, au lieu de libérer les protagonistes de leurs tracas quotidiens, les enferme dans une nostalgie aux effets pervers.
Nationale 3
Version en cours présentée en exclusivité (2022 – durée provisoire : 45 min)
Production : Kidam – Montage : Alain della Negra et Maxence Stamatiadis
Cinq personnes interviewées racontent le drame oublié de Philippe F., décédé le 24 mai 2019 à Drancy après avoir subi une clé d’étranglement lors de son interpellation par la police. Le documentaire est peu à peu contaminé par des avatars.
Maxence Stamatiadis : "Que vous alliez dans le Sud, au Nord, à l’Est ou à l’Ouest, les routes nationales c’est toutes les mêmes. Les mêmes ronds-points, les mêmes herbes sauvages qui sortent du bitume, les mêmes buffets chinois à volonté, les mêmes canapés abandonnés sur le bord de la route... Pourquoi toujours des canapés ? J’en sais franchement rien. Ce que je sais, c’est que la Nationale 3, elle sillonne le monde entier. Peu importe le continent, on se retrouve toujours dans le même décor. Et ces routes, elles sont toutes peuplées de Philippe, de Karen, de collègues... Tous ces gens, on a à peine le temps de voir quand on passe en voiture. Encore moins d’en parler dans les journaux. Mais c’est peut-être ça le vrai courage. Pas de public. Personne pour vous applaudir, personne pour remarquer votre disparition. Dans la réalité, l’héroïsme ne reçoit pas d’ovation.”
Merci à Vinciane Herpin
