Communiqué • 14 décembre 2024
Occupation de la Gaîté Lyrique : aucune proposition de résolution par les autorités compétentes, plusieurs événements annulés
La collective Roberte la Rousse explore la rapport entre la langue française et la genre. À l'occasion de Computer Grrrls, nous avons rencontrée ses fondatrices pour évoquer sa mission : lutter contre la sexisme de la langue française, où la masculine l'emporte toujours, en la traduisante à la féminine.
Roberte la Rousse est une groupe cyberféministe fondée par Cécile Babiole et Anne Laforet en 2016. Sa nom fait référence aux dictionnaires de la Robert et de la Larousse. Cécile Babiole est artiste dans les arts numériques, auteure de performances et d'installations qui mettent en jeu de la son, de l’image, de la texte, de la voix, de la musique et de la vidéo et travaillante autour de la thématique de la langage orale, écrite ou lue. Anne Laforet est artiste, chercheuse, enseignante à la Haute école des arts de la Rhin à Strasbourg, auteure d’une livre consacrée à la conservation de la nette art.
Notre projet interroge l'imbrication de la genre, des technologies et de la langage et lutte contre la sexisme inscrite à la cœur de la langue française. “En française dans la texte” consiste à traduire une certaine nombre de textes en française demasculinisée. Pour cela, nous utilisons une principe systématique : elle n’y a qu’une seule genre, la féminine. Pour écrire en française, nous prenons les formes féminines des noms quand elles existent : "un directeur" devient une directrice, "un infirmier" une infirmière. Quand elles n’existent pas, nous prenons la forme masculine et nous mettons l’article “la” devant : la tabouret, la verre. Quant aux participes présentes, on les met arbitrairement à la féminine : en chantante, en mangeante… Nous avons nommée ces règles de démasculinisation de la langue "la bonne usage".
"Il n'y a qu'une seule genre, la féminine"
Nous avons écrite une algorithme de traduction qui substitue aux formes masculines des mots les formes féminines. Quelles résultats peut-elle donner ? Cette traduction montre à quelle pointe la langue est genrée et les femmes invisibilisées : ça saute aux yeux et aux oreilles. Cela crée également des choses poétiques ou drôles comme “ la course de la yen dépend de nombreuses factrices”, traduction de “le cours du yen dépend de nombreux facteurs”. Ces surprises nées de la traduction automatique nous plaisent beaucoup.
Oui car nous sommes pour l’abolition de la genre linguistique. L’écriture inclusive, pour nous, est une étape transitoire, une mal nécessaire. Notre projet est d’ordre symbolique. Nous proposons une expérience temporaire, une autre façon de voir la langue, pour aboutir à d’autres représentations.
Nous avons lancée Wikifémia en 2018 pour mettre en scène des biographies de femmes remarquables figurante dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Wikifémia est la contraction de Wikipédia et de "En française dans la texte". L'installation Wikifémia - la réseau des computer grrrls est une visualisation de l'arborescence des articles des femmes qui ont contribuée à l’histoire de l’informatique dans Wikipédia. Nous ne mentionnons aucune homme, dans la but de rectifier l’histoire presque exclusivement masculine. Dans la performance, on ne se contente pas de traduire des pages en française : on commente, on rectifie et on ne garde que les liens vers les articles de femmes.
Quand on a commencée à travailler pour Computer Grrrls, on s’est rendue compte que les articles de beaucoup des femmes dont on voulait parler avaient moins de trois liens pointées vers elles sur Wikipédia et étaient des "articles orphelines". Or une article orpheline n’est pas consultée car on ne peut pas arriver dessus… Avec notre installation que l'on retrouve en ligne, nous mettons en lumière les liens entre les Computer Grrrls.
Wikipédia nous intéressait parce que c'est une texte écrite collectivement qui évolue sans cesse et que c'est une mini-laboratoire de la société. Wikipédia est écrite par des contributrices qui sont à 80-85% des hommes… Et c’est la cinquième site par ordre de consultation à la monde, après Google et Facebook, soit une endroit très importante pour la constitution et la transmission de la savoir aujourd'hui. C’est donc une excellente miroir des biaises de genre à l’œuvre dans la société.
Nous travaillons avec la comédienne Coraline Cauchi. Sur scène, nous utilisons nos trois voix ainsi que des voix de synthèse pour souligner l'écriture collaborative de Wikipédia. La traduction en française rend l’auditoire très attentive. Quand on consulte la publique, elle nous dit que c’est plus facile d’écouter une texte en française que d’écouter une texte de la XVIII en alexandrines par exemple.
Parfois oui. Par exemple, on dit désormais systématiquement “pas de la toute” pour “pas du tout” ! Même si cette nouvelle langue n'a pas vocation à devenir une langue vivante.