Avec le projet “Il était des voix lycéennes”, la Gaîté Lyrique et le Paris Podcast Festival ont initié les élèves de plusieurs lycées aux techniques de la création sonore. Rencontre avec Nina Cohen et Hélène Carbonnel, après une année passée au cœur de ce projet.
La première, Nina Cohen, est directrice adjointe du Paris Podcast Festival. La seconde, Hélène Carbonnel, est autrice de créations documentaires et chargée de programmation du Paris Podcast Festival. Et pendant plusieurs mois, les deux jeunes femmes ont travaillé ensemble : d’abord à la programmation du festival, que le public habitué appelle désormais “le PPF”, et que la Gaîté Lyrique coproduit depuis cinq éditions maintenant ; ensuite, pour le projet “Il était des voix lycéennes”, qui semble leur avoir lancé ce défi : transformer un événement de la Gaîté Lyrique en outil d'éducation artistique et culturelle.
Nina Cohen et Hélène Carbonnel affichent toutes les deux un CV bien rempli dans le domaine du podcast. “Je fais des podcasts pour des médias, explique Hélène Carbonnel. J'ai commencé avec ARTE Radio, puis Slate, avec Transfert. Je crée aussi des podcasts pour des centres d'art ou pour l'Université Paris 8. Et j'anime des ateliers avec des associations qui font le lien entre des artistes auteurs et des élèves de classes ULIS (Unités localisées pour l'inclusion scolaire – ndlr).” De son côté, Nina Cohen, après des études dans le cinéma et le documentaire, a multiplié les expériences professionnelles dans le secteur de l'action culturelle, travaillant notamment pour le théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis. Elle s'est ensuite prise de passion pour le podcast à l'été 2018. “Et au même moment, raconte-t-elle, j’ai découvert qu'un festival autour du podcast allait être programmé. Je m'y suis alors rendue tous les jours, comme on apprendrait une langue étrangère.”
Nina Cohen
"On s'est aperçu qu'il existait une vaste offre de podcasts pour le jeune public (...). En revanche, les chiffres d'une étude CSA ont montré que les lycéennes et lycéens étaient peu touchés."
Une candidature spontanée plus tard, elle rejoint l'équipe du Paris Podcast Festival, fondé par l'association Les Écouteurs. “Les fondateurs, Pierre Sérisier et Thibaut de Saint-Maurice, avaient contacté la Gaîté Lyrique pour leur proposer un événement sur le podcast natif, détaille Nina Cohen. La Gaîté Lyrique s'est lancée dans cette aventure qui mettait en lumière ce qu'elle défend : l'émergence et les nouvelles pratiques culturelles.” Le festival se déroule aujourd'hui sur quatre jours, partagés entre des temps forts pour les pros et des rendez-vous avec le public. Si une compétition officielle met en lumière la richesse du travail des créateurs et créatrices de podcasts, l'événement propose surtout une vaste programmation à laquelle assister : enregistrements en public, rencontres, discussions, débats, événements...
Depuis deux ans, la Gaîté Lyrique pousse plus loin encore le lien qui l'unit à la création sonore et à son festival, en faisant du podcast un outil d'action culturelle au long cours. “On s'est aperçu qu'il existait une vaste offre de podcasts pour le jeune public, et que les 25-35 ans sont également très sensibles à la création sonore, explique Nina Cohen. En revanche, les chiffres d'une étude CSA ont montré que les lycéennes et lycéens étaient peu touchés. On a donc eu envie, avec la Gaîté Lyrique, de conceptualiser un projet autour du podcast pour aller à la rencontre de cette tranche d'âge. L’idée étant aussi, au passage, de développer l'action culturelle de l’établissement autour de ce médium.”
Un grand projet, intitulé “Il était des voix lycéennes”, a ainsi vu le jour avec l’objectif de créer un pont entre des ados et des auteurs et autrices de podcasts, en se concentrant sur des lycées géographiquement éloignés des institutions culturelles. Direction Paris mais aussi (et surtout) Franconville, Bobigny, Saint-Denis, Levallois, Sarcelles ou encore Les Ulis. Hélène Carbonnel fait partie des auteurs et autrices ayant intervenu dans les établissements scolaires. “J'ai travaillé avec trois classes, raconte-t-elle. Deux à Franconville (au Lycée Jean Monnet) et une à Paris (au Lycée Abbé Grégoire). À chaque fois, j'ai d'abord échangé avec l'enseignante référente afin de trouver une idée de podcast qui pourrait s'inscrire dans le programme de chaque classe." Huit séances ont ensuite été organisées, afin d'imaginer avec les élèves des formes variées de podcasts, en empruntant aussi bien à l'écriture de fiction qu'au documentaire, et en s’inscrivant dans une thématique commune, à savoir : "Patrimoine intime, patrimoine commun : les nouveaux territoires du récit”.
Une classe a ainsi travaillé sur une conversation amoureuse inspirée d'un passage du roman Jacques Le Fataliste et son maître de Diderot. Une autre, qui travaillait sur le film Chronique d'un été de Jean Rouch, a elle aussi imaginé la chronique d'un hiver dans sa ville en recueillant plusieurs types de témoignages : notes vocales sur Whatsapp, enregistrements à la maison et en classe, micro-trottoirs, etc. La dernière classe, enfin, s'est essayée à l'exercice de la dystopie. “Les élèves, raconte Hélène Carbonnel, devaient travailler avec la Place de la République comme décor. Je leur ai proposé de se projeter dans le futur et d'imaginer des manifestations qui auraient lieu à cet endroit.” Si la plupart des lycéennes et lycéens ont développé l'idée d'une crise écologique, certaines et certains ont plutôt évoqué la soudaine domination d'un groupe extraterrestre… “Avec quelques humains collaborationnistes !...”, sourit l'autrice.
Pour clore ce grand projet ayant rythmé l’année scolaire, une poignée d’élèves, de profs, d’auteurs et d’autrices se sont retrouvées à la Gaîté Lyrique pour un ultime exercice : participer à un épisode spécial d’Il était des voix, le podcast de la Gaîté Lyrique et du Paris Podcast Festival. Dans cet épisode, il est question de débriefer le travail accompli cette année, de témoigner de son expérience tout au long du projet, et bien sûr de se projeter dans l’avenir à travers lui. L'épisode, titré "Il était des voix lycéennes", tout comme le projet qui l’aura inspiré, a depuis été publié sur toutes les plateformes d’écoute. Faire résonner ces voix lycéennes ? Promesse tenue.
Texte : Johanna Seban Photos & édition : Maxime de Abreu
Gestion de projet Il était des voix lycéennes : Julia Kamieniak Coordination Ateliers partagés : Émilie Audibert
BRAVO ET MERCI <3 Lycée Jean Monnet : les classes d’Anne Soulié et de Jocelyne Fontaine | Lycée Abbé Grégoire : la classe de Catherine Brochard | Lycée Jean-Jacques Rousseau : les classes de Maud Carlier-Sirat et Gaël Bonneau-Biescel | Lycée André Sabatier : la classe d’Adrien Didierjean | Lycée Suger : la classe de Carlotta Cucuzza et Nicoletta Rolla | Lycée de l’Essouriau : les classes de Sophie Lambert et Mélanie Pobiedonoscew | Lycée Léonard de Vinci : la classe de Ioanis Robert-Deroide et Rebecca Le Quefellec | Auteurs et autrices : Hélène Carbonnel, Nina Pareja, Claire Richard, Zazie Tavitian, Jérémie Thomas
*Ateliers Partagés
Ateliers Partagés, c'est le programme de restitution des projets d'Éducation artistique et culturelle (EAC) de la Gaîté Lyrique ! En partenariat avec des établissements scolaires, centres de loisirs, écoles supérieures, universités, la Gaîté Lyrique accompagne chaque année plus d’une vingtaine de classes. Avec les acteurs et actrices du terrain mais aussi une communauté d'artistes issus de notre programmation, nous concevons des projets mêlant arts et culture du numérique dans le cadre d'enjeux pédagogiques ciblés. De la musique aux pratiques transmedias, du design interactif au podcast, du code à l'animation, de la réalité virtuelle au jeu vidéo, nous explorons ensemble la multiplicité des pratiques issues du numérique.